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Version 2018... réécriture exclusive de Ternoise... en vidéo...
LETTRE VI : De la véritable amitié, exigeante, et du meilleur moyen de partager les progrès vers la sagesse
(avec commentaires : Socrate était mort depuis 15 ans quand naissait Aristote)
Je le sens bien, Lucien, non seulement je m'améliore, mais je me transforme
! Je n'ose garantir ni espérer ne plus rien avoir à bonifier en moi. Comment
ne subsisterait-il pas des penchants à réfréner, à affaiblir, ou à fortifier
? C'est même la preuve d'une heureuse amélioration de se découvrir des
défauts précédemment insoupçonnés. Il est des maladies où il faut se réjouir
quand le malade devient conscient de son mal.
Aussi aimerais-je étendre jusqu'à toi ce changement si soudain ! Alors la
confiance en notre amitié s'affermirait, j'y verrais une amitié vraie, que
ni espoir, ni crainte, ni intérêt privé, ne peuvent rompre, une amitié qui
ne meurt qu'avec l'homme et pour laquelle l'homme sait pouvoir se sacrifier.
Bien des gens ont trouvé des amis mais pas d'amitié. Pareille mésaventure ne
peut arriver à ceux associés par l'amour de la vertu. Pourquoi ? Ils savent
qu'entre eux tout est commun, l'adversité plus que tout le reste.
Tu ne peux concevoir combien chaque jour m'apporte de progrès visibles.
Tu vas me demander de t'envoyer ces bonnes choses si efficaces. Si c'était
possible, j'en ferais volontiers une transfusion dans ton âme ; car si je me
réjouis d'apprendre, c'est pour enseigner ; et nulle découverte ne me
charmerait, quelque précieuse et salutaire qu'elle fût, si je devais la
garder pour moi seul. Que la sagesse me soit donnée à condition de devoir la
tenir cachée, ne pas révéler ses oracles, je la refuserais. Toute possession
sans partage est insipide. Je t'enverrai donc des livres et les annoterai
pour t'éviter de perdre du temps à chercher les propos essentiels.
Toutefois, se parler de vive voix quotidiennement, vivre ensemble, te
profitera plus que la lecture. Viens ! Il le faut d'abord parce qu'on croit
bien plus ses yeux que ses oreilles ; de plus, la voie des préceptes est
longue, celle de l'exemple courte et efficace. Cléanthe n'eût pas si bien
reproduit Zénon, s'il n'eût fait que l'entendre. Il a partagé sa vie, il en
pénétra les secrets détails, il observa si sa morale servait de règle à sa
conduite. Platon, Aristote et tous ces futurs leaders de sectes opposées,
recueillirent plus de fruits des moeurs de Socrate que de ses leçons.
Métrodore, Hermarque et Polyenus sortirent grandis moins de l'école d'Epicure
que de son intimité. Au reste, si je te presse de venir, ce n'est pas pour
tes seuls progrès, c'est également pour les miens : le profit sera grand et
réciproque entre nous.
En attendant, te devant mon petit tribut quotidien, voici ce qui m'a charmé
ce jour chez Hécaton : « Tu demandes quels progrès j'ai accomplis ? Je
commence à être l'ami de moi-même. » Avancée considérable : il ne sera plus
jamais seul. Une telle amitié, sois-en sûr, est à la portée de tous.
[commentaires : Socrate était mort depuis 15 ans quand naissait Aristote. Donc Sénèque
aurait écrit, dicté, une connerie en le prétendant avoir profité des moeurs
de Socrate... Certains se gaussent de cette "pitoyable erreur" pour
vilipender un penseur peu fiable...
Sénèque a-t-il prononcé le nom d'Aristote à cet endroit ? Il peut s'agir
d'une coquille du premier scripteur ou d'un des copistes pour en arriver au
manuscrit du Moyen-Age auquel nous puisons...
Ou alors, la dramatique erreur ?... Emporté par un raisonnement contestable,
cette promiscuité quasi indispensable avec "le sage", Sénèque a également pu
se laisser emporter par le besoin d'exemples indiscutables... et n'a pas
vérifié sur wikipédia la date de naissance d'Aristote !
Au-delà de ce passage, cette lettre est l'une des plus surprenantes et
maladroites par sa tentative de faire croire à une soudaine métamorphose. Et
son empressement à exiger la venue de son ami semble cacher quelque chose...
surtout agrémenté d'une exigence d'être prêt à mourir avec lui si
nécessaire. ! On doit naturellement se souvenir des "tensions" entre le
philosophe et Néron... Reconnaître ses véritables amis quand le temps nous
est compté !]
LETTRE VI "ancienne version" : De la véritable amitié.
Je sens, Lucilius, non seulement que je m'amende, mais que je me transforme. Je n'ose garantir ni espérer que je n'ai plus rien à changer en moi. Qui suis-je pour qu'il n'y reste, plus nombre de penchants à contenir, à affaiblir, à
fortifier ? c'est même une preuve de son heureuse métamorphose que notre âme
découvre en soi des défauts qu'elle ne se savait point encore. Il est des
malades que l'on félicite de bien connaître leur mal. Que je voudrais faire
passer en toi le changement subit que j'éprouve ! Alors je commencerais à prendre une confiance plus ferme en notre amitié, cette amitié vraie, que ni espoir, ni crainte, ni vue d'intérêt privé ne peuvent rompre, cette amitié qui
ne meurt qu'avec l'homme et pour laquelle l'homme sait mourir. Je te citerais
bien des gens chez qui les amis n'ont point manqué, mais bien l'amitié. Pareille chose ne peut arriver aux âmes qu'associe la passion de l'honnête et qu'un même
vouloir entraîne. Comment n'en serait-il pas ainsi ? Elles savent qu'entre elles
tout est commun, les malheurs plus que tout le reste. Tu ne peux mesurer en idée ce que chaque jour m'apporte de progrès visibles pour moi.
Tu vas me dire de t'envoyer aussi cette recette dont l'épreuve m'a été si
efficace. Oui vraiment, j'aspire à verser mon trésor tout entier dans ton âme ;
et si je me réjouis d'apprendre, c'est pour enseigner ; et nulle découverte ne me charmerait, quelque précieuse et salutaire qu'elle fût, si je devais la
garder pour moi seul. Que la sagesse me soit donnée à condition de la renfermer
en moi et de ne pas révéler ses oracles, je la refuserais. Toute jouissance qui n'est point partagée perd sa douceur. Je t'enverrai donc les livres mêmes ; et
pour que tu n'aies pas trop de peine à y chercher çà et là ce qui doit te servir
j'y ferai des remarques qui te mèneront incontinent aux endroits que j'approuve et que j'admire : Mais nous parler de vive voix et vivre ensemble te profitera
plus qu'un discours écrit. Viens voir par toi-même, il le faut d'abord parce
qu'on en croit bien plus ses yeux que ses oreilles ; ensuite la voie du précepte
est longue, celle de l'exemple courte et efficace. Cléanthe n'eût pas si bien
reproduit Zénon, s'il n'eût fait que l'entendre. Il fut le témoin de sa vie, il en pénétra les secrets détails, il observa si sa morale servait de règle à sa conduite. Platon, Aristote et tous ces chefs futurs de sectes opposées recueillirent plus de fruit des moeurs de Socrate que de ses discours.
Métrodore, Hermachus et Poly nos sortirent grands hommes moins de l'école
d'Epicure que de son intimité. Mais si je te presse de venir, ce n'est pas pour
tes progrès seuls, c'est aussi pour les miens : le profit sera grand et
réciproque entre nous.
En attendant, comme je te dois mon petit tribut quotidien, voici ce qui m'a
aujourd'hui charmé dans Hécaton : « Tu demandes quels progrès j'ai faits ? Je commence à être l'ami de moi-même. » C'est un grand pas : Hécaton ne sera plus
seul. Un tel homme, sois-en sûr, est l'ami, de tous les hommes.
lettre suivante : fuir la foule et cruauté des spectacles de gladiateurs
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